L’emploi féminin en agriculture : une composante essentielle mais des inégalités persistantes
Qu’elles soient cheffes d’exploitation, d’entreprise agricole ou conjointes actives sur l’exploitation, les femmes sont fortement impliquées en agriculture. En 2018, la population active non-salariée agricole féminine se compose de 108 600 cheffes et 21 200 collaboratrices d’exploitation, soit un total de près de 130 000 femmes. Elles représentent 27,4 % des non-salariés agricoles.
POPULATION ACTIVE
Près d’un chef sur quatre est une femme
En 2018, elles sont 108 600 cheffes d’exploitation ou d’entreprise agricole, soit 24,2 % des chefs, une proportion globalement stable depuis plus de dix ans. Si les femmes représentent 25,9 % de l’effectif des chefs d’exploitation, elles ne sont en revanche que de 5,7 % parmi les chefs d’entreprise mais la proportion est en hausse (+ 0,6 point par rapport à l’année précédente) (cf encadré méthodologique dans le document PDF).
Elles sont relativement plus âgées que leurs homologues masculins. L’âge moyen des femmes chefs d’exploitation ou d’entreprise agricole est de 51,7 ans (en baisse de 5 mois par rapport à 2017) contre 48,4 ans pour les hommes (stable par rapport à 2017). Parmi elles, 20,2 % ont plus de 60 ans (11,4% chez les hommes).
Une femme sur neuf est devenue cheffe suite à la transmission de l’exploitation par son conjoint
Lorsque l’agriculteur fait valoir ses droits à la retraite, il dispose de la possibilité de transmettre son exploitation ou entreprise à son conjoint, qui la dirige alors jusqu’à sa propre retraite. Dans 88 % des cas, cette transmission – dite « transfert entre époux » – s’effectue de l’homme vers la femme. La proportion de femmes ayant bénéficié d’un transfert entre époux est de 11,1 % (soit 0,6 point de moins que l’année précédente) ; cette proportion n’est que de 0,5 % pour les hommes. L’âge moyen des cheffes s’établit à 62,1 ans lorsqu’il y a transfert entre époux et à 50,4 ans dans le cas contraire.
Le phénomène du transfert entre époux était très important dans les années 2000. La réforme des régimes de retraite, en conduisant les chefs à prendre leur retraite de plus en plus tardivement, a néanmoins contribué à le réduire très fortement. Les départs ne sont plus compensés par autant de transferts entre époux. En conséquence, sur la décennie 2008-2018, l’effectif de cheffes a diminué de 7 % tandis que celui de leurs homologues masculins baissait de 4,9 % sur la même période.
Seules ou en association, les femmes dirigent près de 30 % des exploitations ou entreprises agricoles
En 2018, 29,5 % des exploitations et des entreprises agricoles possèdent au moins une femme comme exploitante ou co-exploitante (soit 0,2 point de moins que l’année précédente). Lorsqu’elles sont associées à des dirigeants masculins, les femmes dirigent des structures de forme sociétaire, comme le GAEC (Groupement agricole d’exploitation en commun) ou l’EARL (entreprise agricole à responsabilité limitée). En revanche, lorsqu’elles sont seules, les femmes privilégient la forme juridique en nom personnel dans 69,3 % des cas. Pour les hommes ce choix est moins marqué (58,2 %).
Un ancrage féminin marqué dans l’agriculture traditionnelle et la filière cheval
Les cheffes d’exploitation exercent principalement leur activité dans les cultures céréalières et industrielles (16,6 %), le secteur de l’élevage de bovins-lait (16 %) et les cultures et élevages non spécialisés (12,7 %). De manière générale, les femmes sont davantage présentes dans l’agriculture traditionnelle que dans les entreprises de services. Cette répartition est le reflet du poids de chaque filière dans le paysage agricole français.
La part des femmes est proportionnellement très importante dans l’élevage de chevaux (47,7 %), l’entraînement, dressage, haras, clubs hippiques (48 %) et l’élevage de gros animaux (46,9 %). En revanche, elles sont quasi-absentes des exploitations de bois (1,6 %), les entreprises paysagistes (4,0%), et peu présentes dans la sylviculture (10,3 %) et les entreprises de travaux agricoles (9,7 %).
Les collaboratrices d’exploitation : un indéniable soutien aux chefs, mais un statut en constante diminution
En 2018, parmi l’ensemble des conjointes d’exploitants ou d’entrepreneurs agricoles, 13,5 % sont affiliées en qualité de conjointes actives (i.e. conjointe collaboratrice) sur l’exploitation ou dans l’entreprise.
En dix ans, l’effectif des collaboratrices d’exploitation a été divisé par plus de deux, traduisant le manque d’attractivité de ce statut pour les jeunes générations. Lorsqu’elles choisissent de rester sur l’exploitation pour y travailler, les femmes préfèrent opter pour un statut de co-exploitant. Elles aussi, sont principalement présentes dans les secteurs d’activité traditionnels comme le secteur céréalier, l’élevage laitier, la polyculture associée à de l’élevage, l’élevage de bovins pour la viande ou la viticulture.
Avec un âge moyen de 53,5 ans, les collaboratrices d’exploitation exercent le plus souvent leur activité dans une structure en nom personnel exploitant une superficie supérieure à la moyenne.
Environ 131 000 femmes d’exploitants n’ont pas le statut de non salarié agricole mais sont néanmoins incontournables
En 2018, environ 131 400 femmes d’exploitants ne sont ni cheffes, ni collaboratrices d’exploitation et n’ont donc pas un statut non-salarié agricole. Salariées dans l’entreprise de leur conjoint ou dans une autre entreprise (agricole ou non), elles assurent un complément de revenu au ménage, ce qui indirectement contribue au maintien de l’exploitation. Leur participation à la gestion des exploitations n’est pas directement mesurable, mais réelle : lorsqu’elles sont interrogées lors du recensement agricole, elles déclarent majoritairement aider à la gestion de l’exploitation, bien que n’ayant pas le statut de collaboratrice.
MATERNITE
Recours en hausse de l’allocation de remplacement et des indemnités journalières forfaitaires
Pendant leur maternité et sous certaines conditions, les non-salariées agricoles peuvent bénéficier d’une allocation de remplacement permettant la prise en charge des frais occasionnés par leur remplacement dans les travaux agricoles. Cette allocation répond à un besoin des exploitantes agricoles : elle permet la continuité de l’activité agricole et est une garantie de pérennité des exploitations.
En 2018, 979 non-salariées agricoles ont ainsi bénéficié de cette allocation de remplacement. Le recours à ce dispositif a concerné un peu plus de la moitié des agricultrices (56 %) ayant déclaré une maternité au cours de l’année.
À compter de 2019, la durée minimale d’arrêt en cas de grossesse est portée à huit semaines (comme pour les salariées) et les exploitantes peuvent désormais bénéficier directement d’indemnités journalières forfaitaires lorsqu’elles n’ont pas la possibilité de recourir à un service de remplacement. A ces mesures renforçant la protection de la mère, s’ajoute l’exonération du paiement de la CSG et de la CRDS afférentes au congé maternité.
Sur le premier semestre 2019, le nombre de femmes indemnisées par l’un de ces deux dispositifs (allocation de remplacement ou indemnité journalière forfaitaire) a proportionnellement augmenté puisqu’elles représentent 68 % des agricultrices ayant déclaré une maternité.
RETRAITE
Quelle que soit la durée de carrière, les pensions des cheffes d’exploitation retraitées sont inférieures de plus de 13 % à celles des hommes.
A la fin de l’année 2018, près de 760 000 femmes perçoivent une pension du régime des non-salariés agricoles, ce qui correspond à 57% de l’ensemble des retraités. Parmi celles-ci, près de 290 000 sont d’anciennes cheffes d’exploitation (38,2%) et plus de 262 000 ont toujours conservé le statut de conjointe (34,5%).
Quelle que soit la durée de carrière, le montant moyen mensuel non-salarié versé par le régime agricole aux anciennes cheffes d’exploitation est inférieur de près de 30 € à celui servi aux chefs masculins. Il atteint 627 € mensuels. En revanche, pour ce même statut, le montant total des droits payés, qui comprend les retraites perçues par d’autres régimes1, s’élève à 1 097 € par mois. Il est inférieur de près de 170 € à celui des hommes. Le différentiel femmes/hommes atteint ainsi 13,4 %.
Les retraitées au statut de conjointe collaboratrice souffrent d’un écart plus important encore : près de 260 € par mois en leur défaveur. Leur pension est ainsi inférieure de plus de 20% à celle des hommes. Pour ce statut, la part de la retraite agricole dans le montant global de retraite (i.e. tous régimes et tous droits) est de 47 % alors qu’elle n’est que de 12 % pour les hommes.
Les retraités non-salariés agricoles ont majoritairement une carrière complète2 : 90 % pour les hommes et près de 62 % pour les femmes. Même en cas de carrière complète, l’écart des pensions reste défavorable aux femmes : il se chiffre à 160 € pour celles ayant eu une carrière de cheffe d’exploitation, soit une différence de plus de 12 %, et à 261 € pour les anciennes conjointes, soit près de 20 % d’écart.
Un peu d’histoire…
Le mot « agricultrice » n’est apparu dans le Larousse qu’en 1961. Mais, le statut juridique reste flou.
En 1962, sont créés les GAEC (groupements agricoles d’exploitation en commun) permettant à des agriculteurs de s’associer. Toutefois, cette loi qui empêche deux époux d’être seuls associés, a principalement profité aux fils d’agriculteurs s’apprêtant à reprendre l’exploitation, maintenant ainsi l’épouse comme aide familiale.
En 1973, elles peuvent être associées d’exploitation mais le recours à ce statut concerne d’abord essentiellement les fils d’agriculteurs.
En 1980, elles bénéficient du statut de co-exploitante qui leur permet de gérer la partie administrative de l’exploitation.
En 1985, avec l’apparition de l’EARL (exploitation agricole à responsabilité limitée), elles obtiennent une reconnaissance de leur activité au sein des exploitations et entreprises agricoles car ce type de société civile permet aux conjoints de s’associer en individualisant leurs tâches et leurs responsabilités.
Pourtant c’est seulement avec la loi d’orientation agricole de 1999 et la création du statut de « conjoint collaborateur » que les agricultrices disposent d’un accès à une protection sociale (retraite).
La Loi de modernisation agricole de juillet 2010 permet la constitution de GAEC entre conjoints, qu’ils soient mariés, pacsés ou concubins, pour donner un statut juridique au travail du conjoint dans une exploitation agricole.